Inutile d’en faire son apologie. Le lait, à la fois boisson et aliment, riche en calcium, protéines et lactose, est un symbole de force et de santé. Sans compter ses produits dérivés (yaourts, fromages...), il est absorbé depuis le nourrisson jusqu’aux seniors. Peu de foyers ne consomment pas de lait.
Mais, le temps du crémier qui dépose la bouteille de lait frais sur le pas de la porte, ou du fermier qui vend directement son lait cru, sont bien révolus. Le lait est un produit vivant, riche en germes acidifiants (les fameuses bactéries lactiques) qui entraînent sa coagulation, s’il n’est pas refroidi ou traité thermiquement. C’est à la fin du siècle dernier que la pasteurisation et la stérilisation ont vraiment connu un processus d’industrialisation. Au début, la pasteurisation ratait son objectif en n’éliminant pas les germes pathogènes dont le fameux et redoutable bacille de Koch (Mycobactérium tuberculosis). La stérilisation de bouteilles de verre à 120°C pendant 20 minutes donnait un lait bruni (selon la réaction de Maillard entre le lactose et les protéines), au goût de cuit (réaction de Maillard et dégradation des acides aminés soufrés dont les protéines et notamment celles du lactosérum, l’alpha lactalbumine et la bêta lactoglobuline, sont riches) et sans trace de vitamine.
Le lait cru est assez riche en vitamines. On y trouve la vitamine A concentrée à environ 160 UI / 100 ml (UI = 0,33 μg) et la vitamine D en très faible quantité : 8 UI / 100 ml (UI = 0,025 μg). Il y a aussi de la vitamine E et K. Les vitamines hydrosolubles sont représentées par la vitamine B2 (photosensible et « conservée » si le lait est contenu dans un emballage opaque), la vitamine B6 et la vitamine B1. On trouve peu de B12 ,de vitamine PP, et quasiment pas de vitamine C, sauf au moment de la traite. Mais toutes ces vitamines sont naturellement thermosensibles.
De la pasteurisation....
De nos jours, les traitements de pasteurisation remplissent correctement leur objectif, à savoir, la destruction des bactéries pathogènes. La méthode HTST (Hight Temperature Short Time) donne le lait étiqueté « pasteurisation haute qualité » qui s’obtient en portant le flux continu de lait au maximum à 72°C pendant 15 secondes. D’autres barèmes ont un effet équivalent, tels que 30 minutes à 63°C (basse pasteurisation) ou 4 à 5 secondes à 90°C (haute pasteurisation). Mais la longueur du premier procédé (effectué que sur du lait de bonne qualité microbiologique) accentue la perte en vitamines et en valeur nutritionnelle. La température du second procédé rapproche le lait du lait cuit dans son goût et la perte en valeur biologique protéique. Le traitement HTST n’entraîne que peu de perte en vitamines, une diminution de seulement 10 à 15 % de la valeur biologique protéique et surtout, conserve au maximum les qualités organoleptiques du lait cru. Hélas, le lait pasteurisé ne se conserve que 7 jours au froid.
Un premier test permet de contrôler ces barèmes et donc la qualité du lait. Pour s’assurer que la pasteurisation a été efficace sans être trop poussée, on teste l’activité de deux enzymes du lait cru qui sont inactivées à des températures différentes : la phosphatase alcaline et la peroxydase. La première est à peine plus résistante à la chaleur que les bactéries pathogènes ; elle est donc inactivée dans un lait pasteurisé. Mais la seconde, dénaturée après 20 secondes à 80°C, doit y être encore active. A l’inverse, elle ne sera plus dans des laits « hautement » pasteurisés, vendus au rayon réfrigéré sous l’appellation « pasteurisé ».
... A la stérilisation UHT
Pour assurer la conservation du lait à plus long terme, il faut s’en remettre à la stérilisation. Mais, malgré les progrès industriels, on obtient du lait aux qualités nutritionnelles et organoleptiques très faibles (destruction de 90 % de la vitamine B2, 50 % de la B1...). D’où le développement de la stérilisation UHT (Ultra Haute Température). Ce procédé, adopté au cours des années 60, a révolutionné la distribution car le lait UHT, chauffé entre 135 et 150°C pendant quelques secondes à peine, peut être conservé 3 mois à température ambiante. Il n’est fait mention du traitement UHT sur l’étiquette que s’il est suivi d’un procédé de conditionnement aseptique. Celuici a démarré avec la « brik » en carton stérile dont le brevet a fait la fortune de la société suédoise TetraPack (groupe Tetra Laval, numéro 1 de l’équipement laitier).
Aujourd’hui, la bouteille ne représente plus qu’un emballage pour quatre effectués en brique. Un lait portant la seule mention « stérilisé » incorpore souvent un premier traitement en UHT. Mais le remplissage en conditions non stérile oblige à garder une étape finale dans une tour de stérilisation (3 minutes à 121°C ou 13 minutes à 115°C).
Les dégradations thermiques
Avant de se pencher sur les problèmes nutritionnels ou gustatifs posés par ces traitements, il faut savoir que les laits actuellement disponibles sur le marché, présentent de réelles différences, même au sein de la gamme vedette des laits demi écrémés UHT. La couleur peut être plus ou moins blanche, l’aspect plus ou moins mousseux ou encore la texture plus ou moins nappante en bouche...
Des études (privées) sont réalisées par les Maisons du goût, dont le siège se situe à Bourg-en-Bresse (Ain).
Des dégustateurs, experts dans la reconnaissance des 52 références d’une aromathèque de flaveurs fromagères, y décèlent tantôt une note « petit-lait », tantôt une note « paille », ou « miel », ou encore « animal »... Ces différences sont évidemment liées à la qualité du lait cru. Sa composition varie selon les races animales, la saison, l’alimentation, l’âge de la bête et le moment de la traite... Le taux butyreux du lait est en moyenne de 41 g de matière grasse par kilogramme, mais peut aller de 20 à 70 g/kg. Le taux protéique, qui peut varier de 25 à 45 g/kg, est en moyenne de 32. Le mélange des laits de ferme nivelle les différences, de même que la standardi- sation industrielle en matière grasse.
La durée et l’intensité du chauffage jouent également sur la composition du lait et donc sur sa saveur. En pre- mier lieu, ce sont les pro- téines qui sont dégradées. La stérilisation, on l’a vu, va jusqu’à donner un goût et un aspect caramélisé au lait. La cause en est l’accélération à haute température de la réaction de Maillard, qui démarre dans le lait par l’association entre les sucres et les protéines et provoque l’apparition de nouveaux composés.
Les caséines sont les protéines majoritaires du lait (80 % de la fraction protéique). Elles forment des micelles de diamètre moyen d’environ 0,1 μm. Elles sont à la base des propriétés gustatives du lait (couleur blanche, aspect colloïdal) ainsi que de la dispersion de la phase grasse (globules gras) dans la phase aqueuse (en agissant comme des agents tensioactifs). Un mi- celle de caséine est constitué de plusieurs fractions : les caséines α S1, α S2, κ, γ, et β.
Sur le plan nutritionnel, elles sont pauvres en acides aminés de type méthionine et cystéine. Les 2/3 du calcium et la moitié du phosphore sont fixés aux caséines. Ces dernières, de structure assez stable (sinon aux pH acide ou à l’hydrolyse par la présure pour les yaourts et les fromages), sont relativement épargnées par les traitements thermiques. En revanche, la fraction soluble des protéines est davantage pénalisée.
La β lactoglobuline (3 g/l en moyenne) est la plus sensible. Elle devient moins digeste car en se dépliant sous l’effet de la chaleur, elle expose ses acides aminés de type lysine sur lesquels peuvent alors se fixer les molécules de lactose. Cela forme la lactulosyllysine, molécule non assimilable et étape précoce de la réaction de Maillard. Riche en groupement thiol (-SH), la bêta lactoglobuline est responsable de l’odeur soufrée du lait cuit. L’α lactalbumine est quasiment tout aussi sensible et coagule à la chaleur (on la retrouve dans la « peau » du lait). La dégradation de ces protéines entraîne naturellement une baisse de la valeur biologique protéique du lait, puisque, de part leur richesse en acides aminés soufrés, leur valeur biologique est supérieure à celle des caséines.
La réaction de Maillard, à un stade plus avancé, au-delà de 100°C, produit des radicaux libres (espèces moléculaires à groupement carbonyle), très réactifs, ainsi que des composés nouveaux (hydroxyméthylfurfural, faiblement mutagène tels la pyrazine et l’imidazole) qui diminuent la digestibilité du lait en inhibant les protéases intestinales.
Le lactosérum contient également de la lactoferrine, glycoprotéine capable de fixer réversiblement le fer et possédant ainsi un rôle protecteur bactériostatique (séquestration du fer aux dépend des germes). Cette protéine est dénaturée à ces températures et ne joue donc plus son rôle protecteur. De même, si la fraction minérale liée aux caséines est relativement épargnée, la fraction soluble devient partiellement inassimilable dans le lait stérilisé.
Les laits infantiles et diététiques
Le chauffage du lait est encore moins anodin quand on modifie sa composition. Prenons le lait sans lactose, créé pour les personnes intolérantes à ce dernier (le prin- cipal sucre du lait avec 49 g/l en moyenne et 98 % des glucides totaux). Ces personnes ne produisent pas assez de lactase, l’enzyme intestinale qui scinde le lactose en glucose et en galactose, sucres qui sont eux directement assimilables. La société Lactel a trouvé la parade en opérant cette coupure directement dans le lait... Ce qui multiplie par deux la quantité de sucres réducteurs impliqués dans la réaction de Maillard !
De plus, les oses simples possèdent une réactivité supérieure aux diholosides. Plus graves sont les ajouts de lactose, de fer, de vitamine C ou d’acides gras (type oméga 3) dans les préparations liquides stérilisées et données aux enfants en bas âge : lait 1er âge (0 - 4 mois), 2eme âge (5 - 12 mois), lait de croissance (1 à 3 ans). En France, moins d’une femme sur deux allaite son enfant de trois mois. Depuis le 8 février 1999, la promotion des laits infantiles dans les maternités est interdite. Ces aliments lactés de croissance sont enrichis en lactose afin que leur composition se rapproche de celle du lait de femme (60 g/l de lactose contre 45 g/l chez la vache) et pour atteindre une densité énergétique suffisante. Or, cette richesse en lactose favorise la réaction de Maillard. Selon les estimations les plus pessimistes, jusqu’à 30 % de la lysine, modifiée en lactulosyllysine, devient inassimilable. Un comble pour un aliment vanté pour sa valeur nutritionnelle !
La publicité tente pourtant de faire adopter par les mamans ces laits de croissance trois fois plus chers que le lait de consommation courante.
L’argument majeur est leur enrichissement en fer. Il permet de pallier une insuffisance à une mauvaise diversification de l’alimentation, qui concernerait 30 % des enfants en bas âge et se traduirait par une anémie vraie chez 5 à 12 % d’entre eux. Les nutritionnistes ont fait un cadeau empoisonné aux industriels en préconisant cet enrichissement en fer du lait plutôt qu’une diversification de l’alimentation (moins chère). Car seuls 3 à 4 % de leurs 12 mg de fer par litre sont assimilables. On a alors recommandé l’ajout de vitamine C, pour augmenter l’absorption du fer jusqu’à 5 à 6 %. C’est là où, encore une fois, le bât blesse. Car le fer et la vitamine C forment un mélange pro-oxydant explosif (Food additives and contaminants, 1997, vol. 14, N°4, p. 381-388). Ce mélange est particulièrement utilisé en laboratoire pour accélérer le vieillissement des tissus ! /p>
En présence de fer, la vitamine C libère des radicaux libres tels que l’hydroxyle (OH*) dont les effets destructeurs sont amplifiés par la température de stérilisation. La chaleur, rappelons-le, dénature aussi la lactoferrine, qui ne capte plus le fer et ne peut donc jouer son rôle antioxydant.
On suspecte ainsi l’oxydation des lipides insaturés et celle du tryptophane, essentiellement présent dans les protéines du lactosérum. Or, cet acide aminé est précieux car il a de nombreuses fonctions, en particulier dans la régulation du sommeil (le lait de la mère en est riche).
En outre, c’est un acide aminé essentiel dont l’apport dans l’alimentation est impératif.
Ines Birlouez, qui dirige des travaux sur la qualité des aliments au laboratoire de chimie analytique de l’institut national agronomique (INA) de Paris, a mis au point la méthode Fast (Fluorescence of Advanced Maillard Product and Soluble Tryptophan). Automatisée et brevetée, elle permet de quantifier la dégradation nutritionnelle des protéines des différents laits du commerce. Il en ressort que les laits de croissance sont deux fois plus dégradés que les plus mauvais laits de consommation courante et qu’il existe de grandes différences entre les marques !
Nactalia est le premier industriel qui, au vu de ces résultats, a renoncé à l’ajout de lactose et de vitamine C dans la formule de son lait de croissance, le premier « bio » liquide du marché. La fluorescence des produits de la réaction avancée de Maillard s’en est trouvée divisée par quatre, ce qui reflète une nette amélioration de la qualité nutritionnelle de la formule adoptée.
Les traceurs des dégradations thermiques
L’intégrité du lait de consommation courante n’est certes pas aussi importante pour l’adulte, qui a une alimentation diversifiée. Mais est-ce une raison pour ignorer la manière dont travaillent les industriels ?
Chaque usine pousse plus ou moins ses barèmes selon la charge microbienne du lait qu’elle réceptionne (de 10 000 à 100 000 germes par millilitre, maximum légale- ment toléré). Si le lait stérilisé a trop attendu avant d’être conditionné, il est parfois recyclé dans le circuit, donc chauffé une seconde fois. Par ailleurs, il y a plusieurs types de stérilisation UHT.
L’UHT indirect, sans contact entre l’eau de chauffage et le lait, qui est maintenu à 135°C durant quelques secondes. L’UHT direct, avec un contact de l’ordre de la seconde entre le lait et la vapeur d’eau à 145 - 150°C. En France, la plupart des laiteries se sont équipées au début des années 70, en pleine crise de l’énergie. Elles ont opté pour le chauffage indirect, plus économique mais moins doux vis-à-vis du produit. Aujourd’hui, plus de 80 % du lait UHT français est produit par stérilisation UHT indirect.
L’innovation « stérilisation douce, saveur préservée » de Lactel est d’avoir mélangé dans ses lignes de production, UHT indirect et UHT direct, en introduisant des modules d’injection de vapeur d’eau. Cela a, d’après le responsable marketing, réduit de moitié le taux de lactulose de ce lait, en omettant cependant de préciser que ce lait en question avait auparavant, l’un des taux en lactulose les plus élevés sur le marché !
Le lactulose, un dérivé du lactose bien anodin, ne constitue pas en lui-même un problème. Mais c’est un marqueur précieux du « matraquage » thermique qu’a subit le lait. Car il n’apparaît que quand ce dernier a été chauffé au-delà de 100°C. Plus il est chauffé, plus il s’en forme. Un lait stérilisé à fort goût de cuit présentera facilement plus de 1 000 mg de lactulose par litre. Chez Lactel, personne ne veut dévoiler le taux du lait « stérilisation douce ».
Selon des informations externes, il se situerait au- dessus de 300 mg par litre, et il existe donc des UHT directs plus doux sur le marché (moins de 100 mg / l)...
La lactulose n’est pas encore un marqueur officiel. En Europe, seule l’Allemagne exige un taux inférieur à 400 mg par litre de lait UHT. En France, Carrefour a mis cette exigence dans le cahier des charges de son lait de montagne, produit et conditionné en Auvergne. Si ce taux devenait une norme, 40 à 60 % de nos laits ne seraient plus autorisés à porter la mention UHT, selon l’aveu même du Cneva (Centre national d’études vétérinaires et alimentaires) !
Dans une enquête de l’Institut chimique et du contrôle de la qualité d’Aix en Provence, effectuée en octobre 1996 et portant sur 24 laits espagnols demiécrémés UHT, seuls 9 présentaient un taux de lactulose inférieur à 400 mg / l. La France, soutenue par l’Italie, la Belgique et l’Espagne, propose que l’on tolère dans un UHT au moins 600 mg de lactulose par litre. La Hollande, la Grande-Bretagne et les pays nordiques sont indifférents au débat : ils ne boivent pratiquement que des laits pasteurisés !
Pour étudier ces derniers, il faut un autre marqueur, la furosine, qui reflète le taux de lactulosyllysine formée dans les laits chauffés. Grâce à la furosine, le groupe d’experts chimistes de l’Union européenne a mis fin à une fraude dont l’Italie était coutumière : reconstituer du lait liquide à partir de poudre et le faire passer pour du lait pasteurisé. Or, si on ne dose jamais plus de 8,6 mg de furosine pour 100 g de protéines dans un lait pasteurisé, on en dose beaucoup plus dans un lait déshydraté.
Ce « mouchard » permettrait même de distinguer le « vrai » pasteurisé du lait « hautement » pasteurisé, qui présente un taux de furosine égal ou supérieur à 50 mg pour 100 g de protéines. Bien sûr, on peut aussi pratiquer le test d’activité de la peroxydase, mais l’ajout frauduleux d’enzymes actives est toujours possible.
L’enjeu est de taille car le lait hautement pasteurisé, qui peut se conserver plus longtemps à 4°C, a tendance à se développer. Même les distributeurs en perdent leur latin. On trouve parfois du lait UHT demi-écrémé dans le rayon réfrigéré d’une grande surface.
Pour l’instant, la seule définition des catégories de lait (cru, pasteurisé, UHT, stérilisé...) est celle des barèmes de chauffage (équivalence de couples de temps / température) et de réfrigération permettant la sécurité hygiénique du produit.
Au niveau international, elle figure notamment dans le Codex alimentarius. Cependant, la Commission européenne envisage sérieusement d’adopter des paramètres physicochimiques qui traduiraient au mieux ces barèmes. Il reste à choisir les marqueurs les plus significatifs.
La lactulose favoriserait les usines équipées en UHT direct (cas fréquent en Allemagne). En effet, le bref mouillage par la vapeur d’eau dilue le lactose au moment le plus chaud et limite la formation de lactulose. De plus, lactulose et furosine ne sont pas des marqueurs stables au cours du stockage.
La bêta lactoglobuline, qui se dénature progressivement, serait un autre candidat. Seul problème, certains pays comme l’Irlande ont des laits crus qui en sont naturellement pauvres. A l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) de Poligny, on s’apprête à breveter des anticorps grâce auxquels il serait possible de suivre la cinétique de dénatu- ration de cette β lactoglobuline.
Poussés par la détermination du président du groupe d’experts chimistes de Bruxelles, les industriels, bon gré, mal gré, ont décidé d’accompagner le mouvement. Leur groupe de recherche Arilait a commandé au laboratoire de technologie laitière de Rennes (INRA), une étude faisant le point sur les « traceurs de traitements ther- miques » (3T). Cette étude (confidentielle...) présentée le 21 janvier 1999 en interne, oriente les axes de recherche.
Parmi les marqueurs les plus pertinents figurent en bonne place ceux de la méthode Fast (INA), la lactoferrine (INRA de Rennes) et les groupes sulfhydriles, dont la concentration diminue au cours du chauffage (université de Nancy).
Dans le secteur du lait comme ailleurs, une fois les dangers microbiologiques écartés, l’exigence du consommateur se déplace.
Un bon lait sera désormais celui qui se rapproche le plus du lait cru.
Nouvelles technologies, la microfiltration
Pour y parvenir, souhaitonsle, de nouvelles technologies sont à l’œuvre, parmi lesquelles, la microfiltration.
Cette technique est essentiellement utilisée par l’industrie laitière en complément du traitement thermique ou de la séparation centrifuge pour réduire le nombre de bactéries du lait. Le procédé « Bactocatch » utilise par exemple des membranes céramiques membralox possédant une porosité de 1,4 μm. La microfiltration n’est qu’une partie du processus de débactérisation, puisqu’elle est suivie d’une pasteurisation. Le système permet cependant une économie énergétique substantielle au niveau du traitement thermique ainsi que la mise en place de barèmes nettement moins élevés qu’avec une pasteurisation simple. Le lait débactérisé par ce système est généralement utilisé en fromagerie. Ce procédé a été encore amélioré par la coopérative laitière de Villefranche en collaboration avec l’INRA, en 1996, afin de fabriquer un lait qui retrouve les qualités organoleptiques et nutritionnelles du lait cru.
Le système « Bactocatch » atteint un taux de débactérisation de 99,5 %. Le procédé amélioré atteint lui, 99,9 %. Selon ses créateurs, c’est la première fois que cette technologie est mise en œuvre pour le lait de con- sommation. Dans les grandes lignes, le lait entier est écrémé et la crème obtenue (environ 10 % du volume total) est pasteurisée car la taille des globules gras est incompatible avec la taille des mailles de la membrane.
Le lait écrémé passe sous pression à 45, 50°C dans des filtres céramiques type SCT . Cette température n’a pas d’incidence notoire sur les qualités du lait et offre un rendement optimal des membranes. Les bactéries, moisissures, cellules somatiques et toutes les souillures se retrouvent concentrées dans le rétentat valorisé en fromagerie. Le microfiltrat qui représente 85,5 % du volume, est un lait cru « ultrapropre ». Il est remélangé à la crème pasteurisé, homogénéisé à 50 bars puis conditionné. Le produit ainsi obtenu, possède de nombreux atouts. Avec l’élimination de 99,9 % des bactéries et de l’activité enzymatique des cellules somatiques, des lipases et des protéases thermorésistantes, il autorise une DLC (Dose Limite de Consommation) de 15 jours au réfrigérateur au lieu des 7 jours pour le lait pasteurisé. Ce dernier ne possède d’ailleurs qu’un taux de débactérisation de 90 à 95 %. Le consommateur retrouve le goût du lait et ses qualités puisque l’absence de traite- ment thermique lui préserve ses qualités gustatives et nutritionnelles.
Source: cibac mag