Vingt ans bientôt après la découverte, à l'Institut Pasteur de Paris, du virus responsable du sida et en dépit de tous les progrès accomplis depuis dans la compréhension, à l'échelon moléculaire, de la physiopathologie de cette maladie, on ne dispose toujours pas d'un vaccin efficace. Et rien ne permet de penser qu'il sera disponible avant plusieurs années. Les chercheurs sont confrontés aux caractéristiques du VIH, virus induisant une infection chronique, qui rendent les méthodes traditionnelles vaccinales inopérantes. Un vaccin constitué de VIH à la virulence atténuée exposerait au risque d'intégration du matériel génétique viral au génome du sujet vacciné et un vaccin fait de VIH inactivé présente le risque d'une présence résiduelle de matériel génétique et de l'enzyme qui assure sa réplication, deux composants qui pourraient induire non pas la protection mais bien la contamination de la personne vaccinée.
On a ainsi, dans un premier temps, cherché à utiliser le pouvoir vaccinant de certaines protéines naturellement présentes sur l'enveloppe du VIH et produites grâce aux techniques de recombinaison génétiques, un procédé qui, au début des années 1980, avait permis de mettre au point un vaccin contre l'hépatite virale de type B de deuxième génération.
Stimuler L'Immunité
Les premiers résultats encourageants observés, en France et aux Etats-Unis, chez le singe furent vite déçus. Si elles induisaient bien des anticorps capables de neutraliser le virus, ces protéines n'étaient efficaces que contre certaines souches de VIH, ce dernier mutant de manière continuelle et déjouant ce type de protection immunitaire. A partir de 1995, une autre voie de recherche s'ouvrit sur les lymphocytes T cytotoxiques qui éliminent les agents étrangers pathogènes présents à l'intérieur des cellules de l'organisme. On parle ici d'immunité " cellulaire" que les chercheurs tentent de stimuler.
Les vaccins actuellement disponibles sont pour l'essentiel constitués de virus recombinants, assemblages d'un microorganisme inoffensif et de gènes du VIH induisant la synthèse de protéines provoquant la stimulation immunitaire. Les recherches actuelles visent à améliorer le vecteur et à portent sur les choix des protéines virales. D'autres travaux portent sur l'utilisation de lipopeptides, molécules identiques aux parties des diverses protéines du virus reconnues par les lymphocytes T cytotoxiques. Particulièrement développés en France ces travaux ont donné des résultats encourageants chez le macaque et chez l'homme. On étudie aussi l'usage préventif que l'on pourrait faire de l'ADN nu codant pour des protéines virales.
Différentes stratégies sont actuellement à l'étude à partir, notamment, de vaccins combinés induisant une réponse cellulaire et une immunité humorale. Plus d'une trentaine d'essais de ce type en phase I et II ont été menés, mais aucun résultat n'est encore suffisamment probant pour autoriser le passage à la phase III.
D'autres axes de recherche portent sur l'utilisation de certaines des cellules-clés du système immunitaire (les cytokines) pour amplifier la réaction protectrice. Enfin, tenant compte du fait que la contamination par le VIH est aujourd'hui pour l'essentiel associée à des pratiques hétérosexuelles ou homosexuelles, des travaux originaux français sont en cours sous l'égide de l'ANRS, qui visent à induire une immunité au niveau des muqueuses génitales et anales à partir de vaccins d'un nouveau genre qui seront très bientôt administrés par voie vaginale, rectale ou nasale.
Jean-Yves Nau