La Débandade est un film écrit, produit, réalisé et interprété par Claude Berri. C'est aussi, ce qui est plus important, un film sur Claude Berri. Son personnage principal porte le véritable nom de Berri, Claude Langmann, et mène une existence très similaire. Film introspectif, La Débandade évoque un souci intime, celui d'un homme qui, la soixantaine venue, peine à accomplir ses devoirs conjugaux et extraconjugaux.
Il y a sans doute la volonté d'affronter une vérité personnelle, douloureuse et impudique, dans la décision du réalisateur de revenir à cet aspect autobiographique de son oeuvre, abandonné depuis Je vous aime (1980) au profit d'adaptations grosses cylindrées ( Jean de Florette, Uranus, Germinal). Affiche du film français de Claude Berri, La Débandade, sorti en salles mercredi 6 octobre 1999 Que Berri choisisse d'en être de plus l'interprète représente une prise de risques qui rappelle ses rôles, volontairement dérangeants, dans L'Homme blessé, de Patrice Chéreau, ou Stan the Flasher, de Serge Gainsbourg.
Mais, homme blessé par l'âge, Claude Berri est aussi producteur en pleine possession de ses moyens. Aussi ne se résout-il pas à installer son film seulement dans la lumière du doute sur sa virilité, mais entreprend de compenser la noirceur du thème par une bonne rasade de comédie. Saine volonté, si elle ne se résolvait pas aussitôt en vaudeville. On connaissait le rire gras, voici le rire Viagra. Il a le désagréable effet de contaminer la partie personnelle du film : ce monsieur grimaçant en robe de chambre ou en caleçon devient un spectacle qu'on s'épargnerait volontiers.
Fiction À Bout De Jus
Si l'exhibition de l'auteur-interprète instaure une ambivalence dont on se lasse vite, le sort qu'il inflige à ses partenaires est pire. En copain grande gueule toujours prêt à tirer un coup avec les renforts de la technique moderne, Claude Brasseur « assure » avec une telle absence d'états d'âme qu'on se dit qu'il doit penser à autre chose. Les personnages féminins - la femme, la fille, la maîtresse de Berri - ne sont que chair à rebondissements flaccides d'une fiction à bout de jus. Il faut toute l'énergie de Fanny Ardant pour sauver malgré tout une scène, d'un éclat de rire sauvage - dont on se prend à soupçonner qu'il pourrait s'adresser au film tout entier. Surtout, on regrette vite que les bons conseils du flegmatique andrologue Alain Chabat (seul personnage drôle) ne s'appliquent pas d'abord au film lui-même, puisque le drame de La Débandade cesse vite d'être l'impuissance de son personnage pour devenir celle de sa mise en scène.
Jean-Michel Frodon
Le Monde