Devant des mises en accusation croissantes, les médecins se sentent de plus en plus menacés d'avoir à répondre de leurs actes devant la justice. Parmi les sujets les plus délicats figure le lourd problème de la responsabilité médicale dans la surveillance et le diagnostic prénataux.
Une décision de justice qui place les médecins sur le fil du rasoir
En France, la Cour de Cassation a reconnu l'an dernier à Nicolas Perruche le droit d'être indemnisé pour être venu au monde à la suite d'une erreur de diagnostic pré-natal : sourd et presque aveugle, Nicolas souffre de troubles neurologiques graves et nécessite une assistance quotidienne permanente. Sa mère soutient qu'elle aurait avorté si le laboratoire ne s'était pas trompé dans ses analyses pré-natales : le lourd handicap de Nicolas est en effet la conséquence d'une rubéole maternelle non diagnostiquée.
Un problème éthique lié aux progrès scientifiques
La surveillance prénatale a pour objectif que les enfants naissent en bonne santé. Elle permet de prévenir les conséquences pour le foetus de certaines maladies comme la toxoplasmose, la rubéole ou la maladie de Rhésus. Elle s'appuie sur un suivi médical rapproché, sur l'échographie et sur certains examens biologiques.
La surveillance est complétée par le diagnostic prénatal, dont l'objectif est entre autres de déceler la trisomie 21 : le dosage des marqueurs biologiques dont un taux anormal signale un risque de trisomie 21, est aujourd'hui réalisé systématiquement chez toutes les femmes qui le souhaitent, et non plus seulement en cas de risque (mère âgée de plus de 38 ans, antécédents de grossesse trisomique). Si une anomalie foetale sévère et incurable est diagnostiquée, une interruption médicale de grossesse est proposée aux parents.
Objectif de vie ou de mort, les deux concepts s'affrontent et s'entremêlent. Avec un problème éthique majeur : jusqu'où a-t-on le droit de décider ou de refuser la vie d'un enfant à venir ?
Il ne faut pas non plus sous-estimer le fait que l'échographie n'est pas une science exacte : sur les épaules des médecins qui lisent les images pèse une (trop ?) lourde responsabilité qui peut désormais les conduire devant les tribunaux.
Deux cas aux antipodes
Face au cas Perruche, la justice française a tranché au mois de novembre 2000 et a reconnu à Nicolas le droit d'être indemnisé pour être né.
A l'autre bout du monde, au Japon, Hirotada Ototake est un jeune homme-tronc, né sans bras ni jambes. Il clame sa joie d'exister dans un livre en passe de devenir un best-seller national. (Personne n'est parfait, Editions Presse de la Renaissance, 109 F) : un véritable hymne à la vie, dans lequel l'auteur raconte avec humour et lucidité comment il a toujours dû se battre pour affronter la vie et le regard des autres.
Les limites de l'acceptable ne sont visiblement pas les mêmes pour tous. La société a-t-elle le droit de définir des règles universelles ? Devant ces deux cas extrêmes, on ne peut s'empêcher de se poser la question suivante : Qui donc aurait pu s'abroger le droit de décider si ces deux personnes devaient vivre ou non ?