Le principe actif du piment rouge, la capsaïcine, bloque la prolifération anormale des cellules prostatiques tumorales humaines des lignées androgéno-dépendantes et androgéno-indépendantes, in vitro, et induit leur apoptose. Chez des souris ayant subi une xénogreffe de ces cellules cancéreuses et traitées par la capsaïcine, une diminution de la tumeur est observée.
Les cancers de la prostate sont les cancers masculins les plus fréquemment diagnostiqués. Chaque année 40 000 hommes sont touchés en France, et 680 000 dans le monde.
La prostate est une glande masculine située autour de la portion initiale de l’urètre. Elle est constituée de deux lobes latéraux droit et gauche et d’un lobe moyen dont les sécrétions forment le liquide séminal, qui en se mélangeant aux cellules germinales provenant des testicules, forme le sperme. Le cancer de la prostate est détecté grâce au dosage de la PSA (Prostatic Specific Antigen) qui est un antigène spécifique de la prostate circulant dans le sang, dont l’augmentation est significative en cas de pathologie prostatique, mais sans être spécifique du cancer de la prostate.
La tumeur prostatique est dite androgéno-dépendante, car elle se développe aux dépens des cellules épithéliales de la glande prostatique qui sont dépendantes des androgènes. Les androgènes sont des hormones mâles, qui se lient aux cellules de la prostate par les récepteurs des androgènes. Les récepteurs des androgènes sont des facteurs transcriptionnels qui, après activation par la testostérone ou la dihydrotestostérone, vont pouvoir réguler, après liaison aux éléments de réponse aux androgènes, l’expression de gènes androgéno-dépendants. Le développement initial du cancer de la prostate peut-être maîtrisé par castration pharmacologique, ou chirurgicale, et administration d’anti-androgènes. Cependant, si ce traitement permet de ralentir la croissance tumorale il peut arriver jusqu’à une phase quasi irréversible appelée hormono-résistance. Le cancer prostatique devient alors androgéno-indépendant, et dans ce cas aucune thérapie à long terme n’existe actuellement.
Effet antiprolifératif et apoptotique
Dans une étude publiée par le journal Cancer Research, des cancérologues menés par le Dr H.P. Koeffier, de la Division of Hematology / Oncology, du Cedars-Sinai Medical Center, University of California at Los Angeles School of Medicine, en Californie, aux ÉtatsUnis, mettent en évidence que la molécule capsaïcine arrive à stopper la prolifération anormale des cellules prostatiques tumorales, et qu’elle induit leur apoptose, aussi bien sur une lignée de cellules prostatiques humaines androgénodépendantes (LNCaP) que sur des lignées androgéno-indépendantes (DU-145 et PC-3). La capsaïcine est le principe actif du piment rouge responsable de la sensation de brûlure. Elle est déjà utilisée en médecine dans des crèmes analgésiques topiques pour soulager la douleur nerveuse périphérique notamment dans les cas de rhumatisme articulaire, d’herpès, et de rhinite vasomotrice. Elle a également la capacité de diminuer la prolifération des cellules leucémiques humaines, des cellules tumorales gastriques, et des cellules de carcinomes hépatiques, in vitro. Pour parvenir à cette conclusion, les scientifiques ont effectué de nombreuses expériences. Ils ont d’abord montré, in vitro, que la capsaïcine réduit la prolifération des cellules prostatiques cancéreuses des lignées humaines androgénodépendantes et androgéno-indépendantes en fonction de la dose, les plus hautes concentration de capsaïcine étant les plus efficaces. Ils ont montré que l’apoptose de ces cellules induites par la capsaïcine est fonction de la dose injectée, et du temps. Ils ont également constaté que la capsaïcine réduit la quantité de récepteurs androgènes produits par les cellules tumorales, mais qu’ en revanche elle n’interfère pas avec la fonction normale du récepteur androgène dans le noyau des cellules cancéreuses, où le récepteur stéroïdien agit pour réguler les androgènes cibles comme le PSA.
Les chercheurs font remarquer que la capsaïcine interfère l’action des récepteurs androgène même en présence de récepteurs androgènes exogènes dans le cas des cellules LNCaP. Ceci suggère, d’après les auteurs, que la capsaïcine empêche la transcription de PSA non seulement par régulation de l’expression des récepteurs androgènes, mais aussi par un effet inhibiteur direct sur la transcription de PSA. Ils ont également observé que la capsaïcine inhibe l’activité du facteur de transcription NF-κB, un mécanisme moléculaire qui participe aux voies conduisant à l’apoptose dans de nombreux types de cellules.
Des tumeurs réduites
Les scientifiques ont ensuite étudié l’effet de la capsaïcine sur la croissance des cellules cancéreuses prostatiques humaines chez la souris. Pour cela, ils ont injecté aux animaux des cellules PC-3, puis ils leur ont donné de la capsaïcine trois jours par semaine pendant quatre semaines. Les résultats montrent que chez les souris traitées avec la capsaïcine, les tumeurs sont cinq fois plus petites que chez les souris non traitées, sans que les premières ne manifestent d’effets secondaires.
En conclusion, les auteurs pensent que l’ensemble de leurs résultats suggère que la capsaïcine peux avoir un rôle à jouer dans le traitement des patients atteints d’un cancer de la prostate, y compris pour les réfractaires à la thérapie hormonale.
source: Cibac mag